Erik feuilleta son Encyclopédie Multiverselle, Tome 3. Il l'avait commandé il y a quelques jours. C’était alors une époque paisible… avant la disparition de Charles, avant que Jimbo, son boss, ne se mette hors-jeu… bref : lorsqu’il espérait encore pouvoir mettre à exécution son plan « St Patrick Sans Soucis. » Il était loin ce temps ! Hélas ! Il s’en lamentait !
Non, vraiment ? L’escroc soupira longuement. Ce serait bientôt l’heure : 23h01. Il guettait le déplacement de la trotteuse à sa montre. Les rues dans son quartier étaient calmes. Si calmes. Tous se préparaient à l’arrivée d’un mec shooté à l’acide, à dos d’arc-en-ciel… mais il n’y avait que ceux qui vivaient dehors et de rares originaux pour ne faire que regarder le ciel avec curiosité. La majorité des gens n’avaient pas grand-chose à Illusiopolis : mais le peu qu’ils avaient, ils n’étaient pas prêts à le donner.
Erik avait tout prévu cette fois. Le réseau aussi. C’était bien l’avantage d’un itinéraire conçu à l’avance et de toute une journée pour préparer le coup. Tous les pilotes avaient été rappelés, et les marchandises précieuses chargées à bord de leurs vaisseaux. St Patrick ne marquait apparemment pas d’arrêt sur les Routes Stellaires, et qui savait où s’étaient planqués les concernés ? Les munnies étaient comme toujours en sécurité sur des comptes bancaires… et n’étaient de ce fait plus que des lignes de compte. Les établissements de crédit ne conservaient qu’une fraction des munnies de leurs clients, et devaient probablement s’être arrangées avec la Shinra. Qui avait dit qu’un monde comme Illusiopolis n’avait pas quelques avantages ?
Le réseau avait sûrement une réserve secrète, aussi, physique… mais Angelica et Christopher, leurs comptables, avaient dû s’en charger discrètement, de leur côté.
Pendant les prochaines heures, chacun protègerait donc le peu qu’il avait à protéger à titre personnel. Cela mettrait les recherches concernant Charles en arrêt un instant mais… que faire d’autre ?
Erik était seul — enfin, presque. Jimbo pionçait dans la chambre. Pourquoi est-ce que c’était lui qui se tapait le canapé d’ailleurs ? C’était son putain d’appartement ! Enfin… l’escroc était au calme. Exactement. Au calme. L’arrivée du Seigneur des Leprechauns ne l’inquiétait nullement ! C’est simple : il n’avait rien de précieux, et les quelques munnies qu’il possédait trônaient dans son compte en banque. Il avait dépensé les rares qui lui restaient en traiteur Terre des Dragons.
Venir le piller serait donc une pleine perte de temps.
EH OUI ! Erik Woods avait bel et bien tout prévu cette fois ! La nourriture, le divertissement… alors certes il entendrait des voisins affolés mais il ne sortirait pas ! Non non non non non ! On l’avait bien assez eu au jeu de la St Patrick ! L’escroc en serait devenu le maître bien avant d’avoir atteint l’âge trop mûr.
Un petit sourire satisfait trônait à son visage : il était prêt. Allez, viens, St Patrick de mes deux ! Confiant, il prit même une petite photo pour son premier post GummiNow… Tout le monde le faisait alors pourquoi pas lui ?
Eh ? Erik tournait la tête vers la chambre. Il avait cru entendre un bruit… mais ce n’était que Jimbo qui bougeait dans son sommeil. Pfft… évidemment… AH MERDE ! Il allait louper le coche !
L’escroc se cramponna au rebord de sa fenêtre ! Mais rien… le ciel était toujours sombre… 23h01... c'était l'heure pourtant. Est-ce qu’ils s’étaient trompés à l’Eclaireur ?
Quoique… non… LA ! Là, un point qui grossissait ! Là, un pont qui se formait ! Il en était sûr, quelque chose était en train de se passer ! Il n'était pas le seul à le constater : en face, et dans les autres appartements, on avisait aussi le ciel — tantôt intrigués, tantôt émerveillés, tantôt prêts à sortir les couteaux et les flingues ! Erik, pour sa part, hésitait entre appréhension et curiosité : ce n'était guère tous les jours, en effet, qu'un tel événement se produisait. Mais qu'en penser ? Tout se passerait-il bien, cette fois ? Allons... n'avait-il pas tout prévu ? Si, à n'en pas douter ! Mais, étrangement, pour autant qu'il avait cherché à tout prévoir ces dernières années, la chose était toujours tombée à l'eau. Il ne pouvait s'empêcher une petite crise de confiance.
Non. Cette invasion se déroulerait parfaitement bien.
Le chemin de St Patrick descendait en cascade derrière les immeubles, se fracassant sur une place qu'Erik connaissait, s'il jugeait bien des distances. Qu'est-ce que cela donnait, là-bas ? A quoi ressemblait le pied de l'arc-en-ciel ? Le grand chaudron d’or ? L’intérêt le piquait, le titillait... mais il devait y résister. Oui ! Il le devait ! A quoi bon avoir tout prévu s'il sortait tenter le Nuage Noir à n'être pas chez soi pour s'assurer que ses agents ne saccagent pas l'endroit !
Il percevait les premiers cris.
Ca commençait.
Il ferma sa fenêtre et ses volets tout nouvellement installés. RIEN ne foutrait un pied dans cet appartement, dusse être un pigeon cherchant refuge !
Tranquille, du moins en apparence, le l'escroc prit place sur son canapé, et ouvrit son tupperware de riz aux légumes. Il alluma sa télévision : Flash Spécial de l'Eclaireur — St Patrick à Illusiopolis !
... et dire que cela se passait sous sa fenêtre. Il ne changeait pas de chaîne. Mieux valait se tenir au courant, au cas où les choses déraperaient. Les images parlaient d'elles-mêmes : boutiques aux vitrines fracassées, petites mamies cachant leurs munnies sous leur matelas en pleurs... par Etro tout ça en même pas dix minutes ?! Il en avait combien des petits bonhommes verts à envoyer ?! Bordel... c'est à lui que l'Armée de la Lumière devrait faire appel pour se débarrasser de la Coalition Noire ! Il y avait bien de quoi les submerger !
Il surveillait la suite, baguettes en main. L'évolution des leprechauns dans la ville, les questions posées à un SOLDAT par une jeune journaliste, les témoignages désespérés des commerçants et les commentaires acides d'autres qui, de fait, s'amusaient bien de voir ceux qui avaient quelque chose trembler. Génial. Une ambiance comme on en voit qu'à Illusiopolis.
23h30... Ca allait durer comme ça encore deux heures et demi.
Mhm ? L'escroc éteignit la télévision — il était presque sûr d'avoir entendu quelque chose.
Ca s'agitait. Ils devaient être arrivés dans l'immeuble. Croise les doigts...
BANG !
Il sursauta ! Pourquoi ici ?! Il n’avait rien ! Ils ne pouvaient pas le sentir ?! Ses craintes étaient confirmées...
BANG !!
Mais pourquoi est-ce qu'ils cognaient comme des malades contre sa porte ?! Ils allaient finir par la défoncer ! Il avait déjà payé pour les volets et le gummiphone ce mois-ci, il ne pouvait pas souffrir cette dépense !
BANG !!!
NON NON NON NON !!! Pas cette fois ! Bien vite, il renonçait à quelques de ses principes. « ATTENDEZ JE VAIS VOUS OUVRIR !!! » implorait-il tout en se ruant derrière la porte.
Silence.
« Je… j’ai rien ici. Je vous laisse visiter si vous ne mettez pas le bazar, cherchait-il à négocier. Si vous trouvez des munnies ou de l’or… vous pouvez les prendre. »
Silence. Il était sûr de lui. Il n’avait rien de tout ça ici.
Une petite voix nasillarde et pressée lui parvint.
« Bien sûr Monsieur, appuyait-elle, oui Monsieur, veuillez ouvrir votre porte Monsieur. »
Il hésita… puis se dit qu’il n’avait pas grand-chose à y perdre. Il ouvrit.
Sur son pallier se trouvait un petit homme roux à la barbe taillée, costumé de vert des souliers jusqu’au chapeau haut-de-forme. Il ne pouvait pas s’y tromper : c’était un leprechaun.
« — Merci pour votre coopération Monsieur. Elle est appréciée Monsieur. Veuillez me faire visiter votre appartement Monsieur.
- … »
C’était inespéré. Etro le remerciait-elle ENFIN pour tout ce qu’il avait pu faire à son service ?! Peut-être… peut-être… rah non Erik n’invoque pas le nom d’un Eternel tu vas t’attirer le mauvais œil encore ! S’en référer au nom de la déesse lui avait rarement porté bonheur, il fallait être lucide à ce propos. L’escroc ne pouvait compter que sur lui-même. Après avoir hoché la tête, il fit remonter le couloir au leprechaun, bien peu confiant, et lui laissa faire le tour de la salle de bain. Rien, évidemment. Le salon. Rien, évidemment. Enfin…
« — Monsieur, cet objet placé en évidence est-il de toute évidence un objet précieux ? interrogeait la créature tout en pointant la télévision du doigt, inquisiteur.
- Monsieur, reprit Erik, conciliant et imitant ses manières, c’est un objet utile mais je ne pense pas que St Patrick puisse en retirer quoi que ce soit. C’est… plus une cuillère en bois qu’une statue en or.
- Je vois Monsieur. St Patrick se moque bien des cuillères en bois, en effet, Monsieur. »
Sur ces mots, il se détachait de l'écran. L’escroc se demandait s’il n’avait pas pris du chamico sans le savoir. Est-ce qu’il hallucinait ? Est-ce que les choses se passaient… bien ?!
Le leprechaun poursuivait vers la chambre. A peine en avait-il passé le seuil que la forme larvaire de Jimbo sous les couvertures se mettait à remuer. « Fous le camp… » marmonnait-il, décidément reconnaissant pour la couche qu’on lui offrait. « Ce sera pas long, » temporisait Erik. Mais le contrebandier, réalisant soudain que le petit pas qu’il percevait n’était pas celui de son sous-fifre, entreprenait de se redresser. Assis, l’œil morne et cerné, il regardait le leprechaun se dandiner sur le parquet et se pencher pour regarder sous le lit et dans la penderie.
« — Depuis quand t’as un gnome toi..?
- C’est un —
- Je suis un Leprechaun, Monsieur. Vos propos sont blessants, Monsieur. »
Jimbo plissait les yeux, les oreilles tout juste agressées par la voix grésillante du petit homme vert.
« — Nous sommes les braves serviteurs de St Patrick, Monsieur, le Généreux Avare — Quel titre…
- Erik j’vais l’buter s’il continue, laissa traîner le contrebandier.
- Monsieur, toute menace se verra contrée par une violente riposte.
- … ok. C’est bon. Je me le fais.
- Non ! Tout le monde garde son calme. C’est mon appartement ici. Je préfère ne pas me le faire saccager… Vous avez fini de faire le tour de la pièce, Monsieur ?
- Oui, Monsieur. »
La petite créature se pressa hors de la pièce. Jimbo fixa son sous-fifre deux longues secondes… puis se laissa retomber en arrière.
Par les Eternels… mais tout se passait vraiment bien ! Autant que possible, s'il en était !
L’escroc sourit, libéré, optimiste ! OPTIMISTE !! Depuis quand n’avait-il pas eu l’opportunité de l’être sincèrement ?! Il suivit le petit être jusque dans la cuisine. Il montait sur le plan de travail, fouillait les placards… et parut s’arrêter sur quelque chose. Hein ? Mais quoi ? Erik ne gardait là que quelques menues choses à grignoter, tout au plus. Il en faisait l’inventaire mentalement : deux paquets de chips, un paquet de biscuits, deux boîtes de noix de cajou et…
… un lapin en chocolat enrobé dans un papier doré. Il soupira.
« — Monsieur, s’enquit évidemment et immédiatement le leprechaun, ceci est-il bien un objet doré ce qui en fait de facto un objet précieux ?
- Oui. Mais ce n’est pas vraiment de l’or.
- Vraiment, Monsieur ? Vous ne m’abuseriez pas, Monsieur ?
- Quoi ?! Non, non. Ecoutez si vous voulez, vous pouvez le prendre, cédait le propriétaire des lieux, trop craintif de voir ce petit homme jusqu’ici bien urbain devenir un monstre assoiffé de destruction. Je m'en fiche. C’est du chocolat à l’intérieur.
- Parfait. Je vous remercie pour votre coopération, Monsieur. Vous ne serez pas ennuyé par mes collègues. St Patrick le Généreux Avare vous remercie pour votre contribution, Monsieur.
- Merci à St Patrick…
- Je lui dirai, Monsieur. Il sera touché. On ne le lui dit pas assez, Monsieur. »
Le leprechaun époussetait sa veste impeccable avant de se laisser tomber du plan de travail. Sans plus un mot, il dépassait l’escroc, traversait le salon, le couloir, puis regagnait la porte. Là, seulement, il se retournait et s’inclinait d'un geste précis. « Agréable soirée, Monsieur. Au plaisir. »
Erik ne savait que dire, ou que faire. Il restait là, médusé. Gauche, il s’inclinait légèrement, lui aussi.
Le leprechaun disparut dans les escaliers.
Lui, alla fermer la porte.
…
Bordel.
Tout s’était bien passé.
Il n’en revenait pas.
Il avait tout prévu et tout s’était bien passé !
OUI ! OUI, ENFIN ! Un souffle grand, vainqueur, prit ses poumons ! Un cri de joie emporta ses cordes vocales ! Un bras excité se leva vers le ciel ! Merci, MERCI ! remerciait-il sans avoir personne à remercier.
Enfin… enfin au calme, bienheureux.
Brrr… brrr…
Encore transi de satisfaction, Erik saisit son gummiphone sans réfléchir.
Rah mais merde putain ! Pour une fois que les choses se passaient bien de son côté !
- CHAMICO, (Hist. nat. bot.) graine qui croît dans la région de Santa Cecilia et qui ressemble beaucoup, à ce qu’on dit, à celle des oignons. On ajoute que si on en boit la décoction dans de l’eau ou du vin, on dort pendant vingt-quatre heures et qu’on continue longtemps de pleurer ou de rire, quand on l’a prise en pleurant ou en riant. Cette dernière circonstance ne laisse presque aucun doute sur ce qu’il faut penser du chamico.
Non, vraiment ? L’escroc soupira longuement. Ce serait bientôt l’heure : 23h01. Il guettait le déplacement de la trotteuse à sa montre. Les rues dans son quartier étaient calmes. Si calmes. Tous se préparaient à l’arrivée d’un mec shooté à l’acide, à dos d’arc-en-ciel… mais il n’y avait que ceux qui vivaient dehors et de rares originaux pour ne faire que regarder le ciel avec curiosité. La majorité des gens n’avaient pas grand-chose à Illusiopolis : mais le peu qu’ils avaient, ils n’étaient pas prêts à le donner.
Erik avait tout prévu cette fois. Le réseau aussi. C’était bien l’avantage d’un itinéraire conçu à l’avance et de toute une journée pour préparer le coup. Tous les pilotes avaient été rappelés, et les marchandises précieuses chargées à bord de leurs vaisseaux. St Patrick ne marquait apparemment pas d’arrêt sur les Routes Stellaires, et qui savait où s’étaient planqués les concernés ? Les munnies étaient comme toujours en sécurité sur des comptes bancaires… et n’étaient de ce fait plus que des lignes de compte. Les établissements de crédit ne conservaient qu’une fraction des munnies de leurs clients, et devaient probablement s’être arrangées avec la Shinra. Qui avait dit qu’un monde comme Illusiopolis n’avait pas quelques avantages ?
Le réseau avait sûrement une réserve secrète, aussi, physique… mais Angelica et Christopher, leurs comptables, avaient dû s’en charger discrètement, de leur côté.
Pendant les prochaines heures, chacun protègerait donc le peu qu’il avait à protéger à titre personnel. Cela mettrait les recherches concernant Charles en arrêt un instant mais… que faire d’autre ?
Erik était seul — enfin, presque. Jimbo pionçait dans la chambre. Pourquoi est-ce que c’était lui qui se tapait le canapé d’ailleurs ? C’était son putain d’appartement ! Enfin… l’escroc était au calme. Exactement. Au calme. L’arrivée du Seigneur des Leprechauns ne l’inquiétait nullement ! C’est simple : il n’avait rien de précieux, et les quelques munnies qu’il possédait trônaient dans son compte en banque. Il avait dépensé les rares qui lui restaient en traiteur Terre des Dragons.
Venir le piller serait donc une pleine perte de temps.
EH OUI ! Erik Woods avait bel et bien tout prévu cette fois ! La nourriture, le divertissement… alors certes il entendrait des voisins affolés mais il ne sortirait pas ! Non non non non non ! On l’avait bien assez eu au jeu de la St Patrick ! L’escroc en serait devenu le maître bien avant d’avoir atteint l’âge trop mûr.
Un petit sourire satisfait trônait à son visage : il était prêt. Allez, viens, St Patrick de mes deux ! Confiant, il prit même une petite photo pour son premier post GummiNow… Tout le monde le faisait alors pourquoi pas lui ?
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Eh ? Erik tournait la tête vers la chambre. Il avait cru entendre un bruit… mais ce n’était que Jimbo qui bougeait dans son sommeil. Pfft… évidemment… AH MERDE ! Il allait louper le coche !
L’escroc se cramponna au rebord de sa fenêtre ! Mais rien… le ciel était toujours sombre… 23h01... c'était l'heure pourtant. Est-ce qu’ils s’étaient trompés à l’Eclaireur ?
Quoique… non… LA ! Là, un point qui grossissait ! Là, un pont qui se formait ! Il en était sûr, quelque chose était en train de se passer ! Il n'était pas le seul à le constater : en face, et dans les autres appartements, on avisait aussi le ciel — tantôt intrigués, tantôt émerveillés, tantôt prêts à sortir les couteaux et les flingues ! Erik, pour sa part, hésitait entre appréhension et curiosité : ce n'était guère tous les jours, en effet, qu'un tel événement se produisait. Mais qu'en penser ? Tout se passerait-il bien, cette fois ? Allons... n'avait-il pas tout prévu ? Si, à n'en pas douter ! Mais, étrangement, pour autant qu'il avait cherché à tout prévoir ces dernières années, la chose était toujours tombée à l'eau. Il ne pouvait s'empêcher une petite crise de confiance.
Non. Cette invasion se déroulerait parfaitement bien.
Le chemin de St Patrick descendait en cascade derrière les immeubles, se fracassant sur une place qu'Erik connaissait, s'il jugeait bien des distances. Qu'est-ce que cela donnait, là-bas ? A quoi ressemblait le pied de l'arc-en-ciel ? Le grand chaudron d’or ? L’intérêt le piquait, le titillait... mais il devait y résister. Oui ! Il le devait ! A quoi bon avoir tout prévu s'il sortait tenter le Nuage Noir à n'être pas chez soi pour s'assurer que ses agents ne saccagent pas l'endroit !
Il percevait les premiers cris.
Ca commençait.
Il ferma sa fenêtre et ses volets tout nouvellement installés. RIEN ne foutrait un pied dans cet appartement, dusse être un pigeon cherchant refuge !
Tranquille, du moins en apparence, le l'escroc prit place sur son canapé, et ouvrit son tupperware de riz aux légumes. Il alluma sa télévision : Flash Spécial de l'Eclaireur — St Patrick à Illusiopolis !
... et dire que cela se passait sous sa fenêtre. Il ne changeait pas de chaîne. Mieux valait se tenir au courant, au cas où les choses déraperaient. Les images parlaient d'elles-mêmes : boutiques aux vitrines fracassées, petites mamies cachant leurs munnies sous leur matelas en pleurs... par Etro tout ça en même pas dix minutes ?! Il en avait combien des petits bonhommes verts à envoyer ?! Bordel... c'est à lui que l'Armée de la Lumière devrait faire appel pour se débarrasser de la Coalition Noire ! Il y avait bien de quoi les submerger !
Il surveillait la suite, baguettes en main. L'évolution des leprechauns dans la ville, les questions posées à un SOLDAT par une jeune journaliste, les témoignages désespérés des commerçants et les commentaires acides d'autres qui, de fait, s'amusaient bien de voir ceux qui avaient quelque chose trembler. Génial. Une ambiance comme on en voit qu'à Illusiopolis.
23h30... Ca allait durer comme ça encore deux heures et demi.
Mhm ? L'escroc éteignit la télévision — il était presque sûr d'avoir entendu quelque chose.
Ca s'agitait. Ils devaient être arrivés dans l'immeuble. Croise les doigts...
BANG !
Il sursauta ! Pourquoi ici ?! Il n’avait rien ! Ils ne pouvaient pas le sentir ?! Ses craintes étaient confirmées...
BANG !!
Mais pourquoi est-ce qu'ils cognaient comme des malades contre sa porte ?! Ils allaient finir par la défoncer ! Il avait déjà payé pour les volets et le gummiphone ce mois-ci, il ne pouvait pas souffrir cette dépense !
BANG !!!
NON NON NON NON !!! Pas cette fois ! Bien vite, il renonçait à quelques de ses principes. « ATTENDEZ JE VAIS VOUS OUVRIR !!! » implorait-il tout en se ruant derrière la porte.
Silence.
« Je… j’ai rien ici. Je vous laisse visiter si vous ne mettez pas le bazar, cherchait-il à négocier. Si vous trouvez des munnies ou de l’or… vous pouvez les prendre. »
Silence. Il était sûr de lui. Il n’avait rien de tout ça ici.
Une petite voix nasillarde et pressée lui parvint.
« Bien sûr Monsieur, appuyait-elle, oui Monsieur, veuillez ouvrir votre porte Monsieur. »
Il hésita… puis se dit qu’il n’avait pas grand-chose à y perdre. Il ouvrit.
Sur son pallier se trouvait un petit homme roux à la barbe taillée, costumé de vert des souliers jusqu’au chapeau haut-de-forme. Il ne pouvait pas s’y tromper : c’était un leprechaun.
« — Merci pour votre coopération Monsieur. Elle est appréciée Monsieur. Veuillez me faire visiter votre appartement Monsieur.
- … »
C’était inespéré. Etro le remerciait-elle ENFIN pour tout ce qu’il avait pu faire à son service ?! Peut-être… peut-être… rah non Erik n’invoque pas le nom d’un Eternel tu vas t’attirer le mauvais œil encore ! S’en référer au nom de la déesse lui avait rarement porté bonheur, il fallait être lucide à ce propos. L’escroc ne pouvait compter que sur lui-même. Après avoir hoché la tête, il fit remonter le couloir au leprechaun, bien peu confiant, et lui laissa faire le tour de la salle de bain. Rien, évidemment. Le salon. Rien, évidemment. Enfin…
« — Monsieur, cet objet placé en évidence est-il de toute évidence un objet précieux ? interrogeait la créature tout en pointant la télévision du doigt, inquisiteur.
- Monsieur, reprit Erik, conciliant et imitant ses manières, c’est un objet utile mais je ne pense pas que St Patrick puisse en retirer quoi que ce soit. C’est… plus une cuillère en bois qu’une statue en or.
- Je vois Monsieur. St Patrick se moque bien des cuillères en bois, en effet, Monsieur. »
Sur ces mots, il se détachait de l'écran. L’escroc se demandait s’il n’avait pas pris du chamico sans le savoir. Est-ce qu’il hallucinait ? Est-ce que les choses se passaient… bien ?!
Le leprechaun poursuivait vers la chambre. A peine en avait-il passé le seuil que la forme larvaire de Jimbo sous les couvertures se mettait à remuer. « Fous le camp… » marmonnait-il, décidément reconnaissant pour la couche qu’on lui offrait. « Ce sera pas long, » temporisait Erik. Mais le contrebandier, réalisant soudain que le petit pas qu’il percevait n’était pas celui de son sous-fifre, entreprenait de se redresser. Assis, l’œil morne et cerné, il regardait le leprechaun se dandiner sur le parquet et se pencher pour regarder sous le lit et dans la penderie.
« — Depuis quand t’as un gnome toi..?
- C’est un —
- Je suis un Leprechaun, Monsieur. Vos propos sont blessants, Monsieur. »
Jimbo plissait les yeux, les oreilles tout juste agressées par la voix grésillante du petit homme vert.
« — Nous sommes les braves serviteurs de St Patrick, Monsieur, le Généreux Avare — Quel titre…
- Erik j’vais l’buter s’il continue, laissa traîner le contrebandier.
- Monsieur, toute menace se verra contrée par une violente riposte.
- … ok. C’est bon. Je me le fais.
- Non ! Tout le monde garde son calme. C’est mon appartement ici. Je préfère ne pas me le faire saccager… Vous avez fini de faire le tour de la pièce, Monsieur ?
- Oui, Monsieur. »
La petite créature se pressa hors de la pièce. Jimbo fixa son sous-fifre deux longues secondes… puis se laissa retomber en arrière.
Par les Eternels… mais tout se passait vraiment bien ! Autant que possible, s'il en était !
L’escroc sourit, libéré, optimiste ! OPTIMISTE !! Depuis quand n’avait-il pas eu l’opportunité de l’être sincèrement ?! Il suivit le petit être jusque dans la cuisine. Il montait sur le plan de travail, fouillait les placards… et parut s’arrêter sur quelque chose. Hein ? Mais quoi ? Erik ne gardait là que quelques menues choses à grignoter, tout au plus. Il en faisait l’inventaire mentalement : deux paquets de chips, un paquet de biscuits, deux boîtes de noix de cajou et…
… un lapin en chocolat enrobé dans un papier doré. Il soupira.
« — Monsieur, s’enquit évidemment et immédiatement le leprechaun, ceci est-il bien un objet doré ce qui en fait de facto un objet précieux ?
- Oui. Mais ce n’est pas vraiment de l’or.
- Vraiment, Monsieur ? Vous ne m’abuseriez pas, Monsieur ?
- Quoi ?! Non, non. Ecoutez si vous voulez, vous pouvez le prendre, cédait le propriétaire des lieux, trop craintif de voir ce petit homme jusqu’ici bien urbain devenir un monstre assoiffé de destruction. Je m'en fiche. C’est du chocolat à l’intérieur.
- Parfait. Je vous remercie pour votre coopération, Monsieur. Vous ne serez pas ennuyé par mes collègues. St Patrick le Généreux Avare vous remercie pour votre contribution, Monsieur.
- Merci à St Patrick…
- Je lui dirai, Monsieur. Il sera touché. On ne le lui dit pas assez, Monsieur. »
Le leprechaun époussetait sa veste impeccable avant de se laisser tomber du plan de travail. Sans plus un mot, il dépassait l’escroc, traversait le salon, le couloir, puis regagnait la porte. Là, seulement, il se retournait et s’inclinait d'un geste précis. « Agréable soirée, Monsieur. Au plaisir. »
Erik ne savait que dire, ou que faire. Il restait là, médusé. Gauche, il s’inclinait légèrement, lui aussi.
Le leprechaun disparut dans les escaliers.
Lui, alla fermer la porte.
…
Bordel.
Tout s’était bien passé.
Il n’en revenait pas.
Il avait tout prévu et tout s’était bien passé !
OUI ! OUI, ENFIN ! Un souffle grand, vainqueur, prit ses poumons ! Un cri de joie emporta ses cordes vocales ! Un bras excité se leva vers le ciel ! Merci, MERCI ! remerciait-il sans avoir personne à remercier.
Enfin… enfin au calme, bienheureux.
Brrr… brrr…
Encore transi de satisfaction, Erik saisit son gummiphone sans réfléchir.
Hélènevns ils prnt ls bjx de mère
WoodsAttends, quoi ?
HélèneRamène-toi ils veulent les bijoux de ma mère et mon père veut pas les lâcher
Woods'Chier j’arrive
Rah mais merde putain ! Pour une fois que les choses se passaient bien de son côté !