Naran avait les pieds dans le sable.
Un sable doux, longuement poli par les vagues, qui lui chatouillait les orteils.
Un crabe se désengagea, cliquetant à quelques centimètres d’elle, et libéra une dune minuscule sur ses mollets.
Puis une première vague, douce, salée et rassurante, vint la laper à ses pieds.
La Mercenaire leva les yeux.
La Costa Del Sol, avalanche de bicoques colorées et de draps chatoyants, s’étendait à perte de vue.
Un monde sauf. Sans conflit, sans tension ; Une perpétuelle carte postale, immuable et parfaite… Un paradis.
Naran inspira une grande bouffée d’air. Elle savoura l’embrun marin, les odeurs de fritures, le lourd parfum des fleurs tropicales, jusqu’à la chaleur du soleil de midi sur sa peau redevenue dorée.
Puis, prenant plaisir à enfoncer ses doigts de pieds dans le sable à chaque pas, elle parcourra la plage.
Cascadant jusqu’à la plage, la ville semblait vibrer tant elle fourmillait de vie. Des feuilles luxuriantes tombaient d’une maison sur l’autre, abritant tablées de fêtards et nuées d’enfants en plein jeu ; là une large place croulait sur les étals, bruissement constant d’achat et de marchandages, tandis qu’ici le pavé était couvert de chats se prélassant au soleil.
Aucun espace vide qui ne fut pas tapissé de fleurs d’hibiscus, martelé par les pas de danseurs, foulé par des cochons ou chiens en quêtes de restes, brillant d’étoffes mises à sécher, débordant de victuaille ou flouté par les vas et viens d’une population chantante.
Un carnaval semblait en préparation : Toutes les fenêtre s’affichaient de foulards rouges, blancs, parfois verts, tandis que, suspendu entre les grands palmiers, des guirlandes de lumière se balançaient au gré du vent. Confirmant sa théorie, Naran distinguait de chaque place un refrain, un tiraillement de violon, un souffle de trompette qui se disputaient l’espace en une cacophonie étrangement agréable.
Entre toutes ses mélodies, la Mercenaire discernait deux cordes de guitare. Une mélodie simple, plus calme qu’entrainante, qui la poussait à poursuivre sa route sur le sable. Par rapport à la ville si bouillonnante de vie, la plage semblait à peine rythmée par le vas et viens des vagues : Quelques pêcheurs, ça et là une grillade où s’attroupait des passant – mais autrement, rien que l’océan à perte de vue.
Quoique.
Une petite échoppe se dessinait à l’horizon. Quelque chose de modeste, plus une tente améliorée qu’un vrai bar, même si trois personnes s’étaient déjà abritées à l’ombre de ses auvents. Les clients s’étaient assit sur des bûches, l’un chantant, l’autre à la guitare, un troisième sirotant l’une de ces extravagantes boissons que vantaient tous les magazines.
Intriguée, Naran se dirigea vers le bar. Elle passa sa main sur le bois flotté qui servait de comptoir, observant un instant les reflets rouges que le tissu y laissait transparaître… Et leva les yeux vers le serveur.