Le soleil pointait au sommet de la Citadelle, illuminant la ville de sa douce lumière alors que l’ombre de la plus haute tour perdait en intensité. Depuis la cour intérieure, l’on pouvait voir le parcours du soleil se dessiner sur les murailles intérieures, dévoilant une quinzaine d’hommes et de femmes alignés en rang. Torse bombé et bras le long du corps, ils restaient fixes au milieu de la cour alors que le Paladin-en-chef les observait les uns après les autres.
Haegel avait raison, l’action au Château de la Bête avait attiré l’attention. Toutefois, le regard de Cassandra s’arrêtait d’abord sur six silhouettes, les hybrides recrutés par Fiathen.
Il y avait aussi cinq personnes de la ville, ayant décidé de s’engager en même temps que les natifs de Sherwood. Finalement, les autres recrues étaient arrivées il y a de cela quelques jours. Trois hommes et une jeune femme, ayant demandé l’asile aux prêtres avant de se tourner vers les aspirants de l’ordre. Le Haut-Prêtre était resté discret sur leurs motivations, expliquant qu’elle comprendrait bien assez rapidement.
— Au nom de l’ordre des Paladins et en celui de la Déesse, je tiens à vous remercier d’être présent devant moi en ce jour. Aspirants.
Elle n’aimait pas les longs discours, partir dans de grandes envolées lyriques pour galvaniser les coeurs ou simplement motiver les troupes. Pourtant, tel était l’une de ses tâches, dorénavant. Aucun moyen de s’en soustraire.
— Mon nom est Cassandra Pentaghast, Paladin-en-Chef de cet ordre et seule personne à qui vous devrez rendre des comptes. Que ce soit lors de vos rondes ou de nos interventions dans les autres mondes. Ce que j’attends de vous, ce n’est rien d’autre que la force de me suivre et le courage de vous dresser face aux ténèbres.
Quittant sa position, avançant en direction des personnes venant du Château de la Bête, s’arrêtant à un mètre d’eux.
— De plus, j’ai coeur à croire qu’il s’agit des motivations vous ayant permis de vous retrouver ici. Plutôt, pour apprendre et combattre contre les ennemis de notre Déesse et pour les valeurs de celle-ci. Dans le cas contraire, j’ignore ce que vous faites devant moi.
— Vous attendez une réponse ? Où il s’agit d’une question rhétorique…
L’étrangère était celle à avoir pris la parole, une main posé sur les hanches en fixant le Paladin. Parvenant difficilement à contenir sa colère.
— Votre nom ?
— Lise Chellbri, c’est aussi un critère d’exclusion ? Vous avez besoin de combattant, alors, je suis là.
— C’est pour cela que vous êtes venue ici, apprendre à vous battre et retourner chez vous pour défier la Coalition Noire. Rejoignez les Mercenaires ou la Lumière, si tel est votre ambition, je n’ai pas besoin de vous.
Elle fronçait les sourcils, serrait la mâchoire avant de faire demi-tour et quitter la cour du château. Le Paladin comprenait désormais ce que le Haut-Prêtre voulait dire. La faisant souffler un instant, elle reculait pour se remettre devant les aspirants, se raclant la gorge pour reprendre.
— Si vous décidez de devenir des Paladins, ce n’est pas dans le but d’être réduit à une bande de coupe-jarrets ou de malandrins. Nous ne combattons pas pour le sang et la gloire, il y a un idéal, une vérité par-dessus nos épaules que nous devons défende et partager. Étro est la Déesse que nous devons appeler, loin des dépravations de Shemazaï ou les mensonges du Nuage Noir.
Cassandra s’avançait alors, traversant le rang des aspirants, s’arrêtant une fois devant les lourdes portes du mur d’enceinte. Elle levait alors son bras, invitant d’un geste à quitter la cour du château à qui voudrait bien le comprendre. Ou n’étant tout simplement pas prêt à cette vie.
— Si vous n’avez pas la foi, si vous craignez de ne pas avoir les épaules de pouvoir répandre la Lumière d’Étro par-delà la Citadelle, vous êtes invités à retourner dans les faubourgs de la ville. Si vous êtes sous mes ordres, c’est n’est rien d’autre qu’une vie de soldat que vous aurez et dans laquelle la protection des plus faibles sera plus importante que votre propre intérêt.
Elle stoppait alors son geste, posant finalement sa main sur la garde de son épée.
— Devenir un aspirant dans l’ordre des Paladins, c’est déjà faire le sacrifice de soi pour écouter les paroles du Créateur. Cette décision, c’est à vous de la prendre et à personne de vous l’imposer.
Le Paladin restait à sa place, passant son regard sur chacun des aspirants. Un hybride quittait les rangs, un phacochère, suivis d’un autre natif du Château de la Bête et de deux citoyens de la Citadelle. Elle souriait alors, rassurée d’avoir dorénavant des personnes prêtes à devenir des aspirants et sans fausses idées. Parallèlement, une certaine excitation s’emparait d’elle quand elle invitait les personnes à la suivre dans la caserne du Château.
C’était la première fois qu’elle allait entraîner des troupes, apporter sa vision à de nouvelles recrues et prendre le titre de maître d’armes. Néanmoins, une crainte naissait dans son ventre.
Une crainte qui l’animait depuis bien trop longtemps, celle de mal faire, d’échouer à la tâche qui lui était confié. Elle ne parlait pas de celle de gérer l’intendance de l’ordre des Paladins. Cassandra voyait plus loin, persuadé de ne pas avoir vu le jour sans une bonne raison. Même si elle ignorait qu’elle était sa mission, elle prenait peur de ne jamais l’accomplir. Elle avait bien besoin de l’aide d’un ami, un homme qu’elle n’avait pas croisé depuis bien trop longtemps.
Au bout de quelques minutes de marche, la troupe d’aspirant arrivait dans la salle d’entraînement alors que Cassandra prenait une nouvelle fois la parole.
— Bien, avant que commence votre première séance sous mes ordres, sachez une chose, il n’y aura jamais de repos. Jamais une journée où vous n’aurez rien à apprendre ou a découvrir.
Elle se dirigeait vers le fond de la salle, ouvrant les armoires contenant les mannequins d’armures sur lesquelles se trouvait une partie de la tenue complète d’un Paladin. Portant elle-même son armure, elle empoignait le casque et l’épaulière avant de retourner devant les aspirants.
— Il faut une vie pour devenir un maître bretteur, comme peut l’être Ser Valeri. Des années d’expérience pour contrôler la glace comme le Templier Fiathen. Des centaines d’heures à parader en armure pour être aussi endurant que je puisse l’être. Tel est la première leçon, il vous faudrait plus d’une séance pour mériter le titre de Paladin.
Elle s’approchait alors d’un des hybrides, un homme-rat, pour porter le casque à sa tête et nouer l’épaulière à son torse.
— Sauf votre respect…
— Ildebert.
— Aspirant Ildebert. Votre carrure filiforme ne doit pas vous donner la chance d’être aussi résistant que votre voisin…
Il s’agissait d’un sanglier, plus petit et trapu que son homologue.
— Yvan.
— Votre frère, Yvan. La première étape que vous devrez franchir, c’est de parvenir à l’égaler dans ce qui lui semble naturel. Quand à vous, j’imagine que vous n’êtes pas le plus adroit.
— Hum… Ce n’est pas pour cela que je me suis engagé…
— Ildebert est prêt à s’entraîner pour être aussi stoïque que vous ne l’êtes, pourquoi ne pas essayez d’être aussi habile que lui ? À partir d’aujourd’hui, vous travaillerez en équipe de deux. Yvan soutiendra son frère dans sa quête d’endurance et lui-même apprendra à être plus précis dans ses gestes.
Elle se retournait, alors dégager une épée en bois d’un coffre de rangement pour la lancer au deux hybrides. Le rat n’ayant aucune difficulté à l’attraper alors que le sanglier devait déjà la ramasser au sol.
— Comment pouvez-vous savoir, pour ma dextérité. Vous ne venez pas de faire un amalgame par rapport à ma race ?
Ildebert posait la question, collant le manche contre son épaule. Le sanglier levait sa truffe, fixant d’abord le rat pour ensuite fixer le Paladin, tout aussi suspicieux.
— Si l’on n’est pas puissant, nous sommes agiles. La santé faible ? Un esprit fort. Rien de plus que cela, des suppositions par rapport à votre allure, comme je peux en faire autant sur vos autres frères d’armes. Vous ?
— Lilliane.
— Tout comme moi, vous semblez avoir une affinité avec la magie. Il suffit de voir les brulures au bout de vos doigts, vous n’avez pas l’aspect d’une cuisinière, alors j’imagine que cela doit venir du feu.
La Paladin-en-chef se retournait une fois de plus pour ouvrir toutes les malles et armoire, se décalant ensuite légèrement avant d’inviter ses aspirants à se servir.
— À partir d’aujourd’hui, vous vous entraînerez par équipes de deux, toujours la même jusqu’à ce que vous atteigniez un point que vous allez fixer entre vous. Ensuite, les rôles changeront jusqu’à ce que j’estime que vous soyez prêt à m’accompagner à faire plus.
— Vous allez répéter le même numéro, jugeant chacun d’entre-nous ?
— Par un combat singulier. Cela devrait-être une façon de vous motiver.
— Je ne suis pas certain que…
C’était un homme, un peu rondouillard qui venait d’être rejoint par Lilliane. Le regard craintif et tenant difficilement l’épée d’entraînement. Cassandra s’avançait jusqu’à lui, il faisait largement une tête de plus qu’elle.
— Si vous n’êtes pas fort, soyez malin. Vous devriez parvenir à m’assommer sans trop de problème vus la taille de vos bras, vous serrez le premier à passer, dans trois semaines. En attendant, prenez chacun une pièce d’équipement ! Deux si vous ne vous estimez pas assez endurant. Nous allons faire le tour des faubourgs, ensuite nous pourrons manger et commencer à apprendre à tenir correctement une épée.
— À vos ordres !
Un sourire aux lèvres, Cassandra observait les aspirants s’activer dans la salle d’entraînement avant de se mettre à sa suite. Il s’agissait que d’une première leçon, mais celle-ci se passait mieux que ce qu’elle l’avait espéré. Il restait encore temps de chose à faire avec eux, elle attendait avec impatience la fin des trois prochaines semaines d’entraînement, afin de découvrir ce qu’ils avaient déjà appris en évoluant avec elle.
En attendait, ils allaient devoir faire leur première marche en armure de combat, elle allait bien s’amuser à en traîner l’un où l’autre.