« C’est un... dragon. »La mort elle-même avait rugis, faisant trembler les fondations même de la Citadelle très vite à feu et à sang, une vision stupéfiante qui laissa Angeal tétanisé une seconde. Doté d’une défense et résistance au-dessus de la moyenne des guerriers, notre homme pouvait se prendre une salve de balles sans tomber et sans qu’il y ait un long temps de rétablissement, sinon quelques secondes. Très à l’aise avec la parade et avec une endurance déjà hors-norme, c’est déjà quelqu’un de pénible à tuer. A même de tenir plusieurs heures sur un champ de batailles et d’enchaîner les combats… mais justement, il y a peu, Angeal s’était battu plusieurs heures et enchainer les combats. Un monstre d’endurance ? Non, puisqu’à peine un champ de bataille fini, crevé mais debout, il ne pouvait envisager de se lancer directement dans un autre… pas un combat qui soit pire que le précédent, en tout cas. Or, c’était un dragon qui se jetait directement sur lui et son groupe, n’offrant aucun choix. Pas n’importe quel dragon, d’ailleurs puisque même depuis ses hauteurs, l’on apercevait ses yeux jaunes luisants.
Tétanisé, le sans-cœur aurait pu cracher des flammes ou lui envoyer des maisons dessus, en cet instant d’hébètement et de désespoir, Angeal n’aurait pas bougé.
« Vous n’êtes pas en état de combattre chef ! Sir Valeri est partit s’occuper du monstre. »Ça le réveilla… mais pas pour de bonnes raisons, il n’aimait pas l’idée qu’un de ses membres… même le plus digne de confiance… se permette de lui dire si oui ou non, il peut combattre, quoiqu’il dû faire preuve en cet instant d’une autorité certaine. Ayant cessé d’observer le monstre par les ouvertures du château, que les flammes dévoraient comme le reste de la citadelle, cette attaque paraissait… comme une opportunité, autant qu’un châtiment. Ça avait le goût de justice puisqu’après avoir massacré les hommes du stratège par des tactiques peu glorieuses -mais nécessaires- et au départ par surprise, c’était au tour du Sanctum d’encaisser une attaque surprise. Or, après la guerre civile, c’était sans aucun doute la plus belle opportunité qui soit… et pour peu que le Sanctum mette à terre le dragon ou le fasse fuir, ça légitimera énormément de choses.
Pourtant, le Paladin n’imaginait pas un seul instant qu’on pouvait… vaincre un tel monstre… et des dragons, on en trouve pas partout… il vient forcément de chine au vu de son allure. Là-bas, les dragons ne sont pas des monstres mais des dieux et celui-là était corrompu par les ténèbres, en plus de ça. Un coup de main des Eternels serait, pour l’occasion, assez justifier. Or, au Sanctum comme ailleurs, on doit se montrer digne de l’aide des dieux.
Sans attendre, Angeal partit à travers le Château, suivit par des templiers et paladins ayant bien compris qu’il ne resterait pas inactif. Première question pour son esprit, on résiste ou on fuit ? Le Château de Maléfique n’était pas un endroit sûr mais il n’y a jamais eu que quelques prêtres ou paladins là-bas, si toute la Citadelle y va, on pourra sans doute lutter efficacement contre les ronces. De plus, le domaine enchantée est vaste et rien n’empêche de reconstruire sur les plaines verdoyantes qui s’étendent à perte vue ou encore dans les forêts. Soudain, alors que Angeal exhortait soldats et prêtres à le suivre, confiant des civils au premier lieutenant paraissant de confiance pour leur évacuation… conscient qu’à tout moment, d’un simple souffle ou battement d’ailes, lui et ses suiveurs seraient exterminés. Aucun mur ni bouclier n’offrait le moindre réconfort et la citadelle, censée être une forteresse, prenait des allures de cage infernale alors que les flammes en dévoraient la blancheur immaculée.
« Nous devons prévenir le Consul… »« Sir Valeri a chargé Aubrey de le faire. »Atlantica… ? Non, Angeal ne pouvait demander Triton. Ses troupes marines seront astreintes aux douves et qu’à moins que l’Eternel ne se déplace lui-même, ça ne sert à rien. Le paladin n’était même pas sûr que son trident puisse être efficace en-dehors des océans… mais rien ne justifierait qu’on le fasse venir dans les douves. A part les consuls, il restait…
« Que quelqu’un fasse de même mais au Château Disn… »
« Sir Valeri a chargé quelqu’un de le faire. »« Parfait ! »Angeal n’était pas cassé… mais couverts de plaies, des bleus sur la peau comme sur ses os… dont beaucoup sont fissurés, presque remis mais encore susceptible de se briser au moindre coup. De plus, les derniers temps avaient été éprouvant, déjà physiquement, le paladin était vidé mais aussi moralement. Après Swain, on a pleuré puis festoyé… pas Angeal qui se contenta de pleurer mais comme beaucoup, il se permit enfin de relâcher la pression… pour qu’en ce jour, elle remonte à son plus haut niveau. En forme ? On peut dire que, plus ou moins, ça allait… mais son corps avait enduré toute la hargne de Swain et ses hommes ; il n’était pas si épuisé que profondément fragilisé, un rien pourrait l’abattre. Exhortant ses hommes à rejoindre la ville, pour évacuer les civils ou temporiser le dragon, le faux-primarque continua sa route jusqu’aux appartements du Roi Stéphane. Ouvrant sans ménagement la porte, aucune trace ni du monarque, ni de sa femme… mais pas plus de portraits d’Aurore, on s’était probablement déjà occuper d’eux et ils avaient eu la prestance d’esprit d’emporter des souvenirs de leurs fille au passage. Ça ne servait à rien de courir après le Roi, Angeal n’avait plus qu’à souffrir et tenter d’aider, soit les civils, soit face au dragon.
Son avantage tactique, par rapport à tous, c’était bel et bien sa capacité à voler… mais dans son état, ce n’était pas certain qu’il supporte de se trainer dans les airs avec une aile courbaturée et douloureuse alors même qu’elle restait rangée dans son dos. Dépourvue de son épée-broyeuse qu’il n’avait pas pensé à la prendre, le Primarque préféra alors la course.
Déjà, son état physique peignait sa peau en rouge et l’enduisait de sueurs… relativisant le fait de ne pas être épuisé. Quant à son moral, il était tout juste capable de continuer… mais certainement pas de se transcender comme il en a l’habitude. Au top de sa forme, on l’aurait immédiatement vu dans les airs à danser avec le dragon mais hélas, ça serait lui garantir la mort. D’ailleurs, lui qui n’est pas léger devait se porter à une aile et… ce serait aujourd’hui comme marcher à cloche-pied sur une cheville à moitié défaite. Continuant de dispenser des ordres sur sa route, il croisa de plus en plus de flammes au fur et à mesure de sa route… mais ce n’était rien comparé à l’embrasement de ville. Dans tout ce chaos, ce vacarme et cette désolation aux allures d’une fin du monde, Angeal tenta de situer les évènements. Le dragon se déchainait sur une zone précise et ne semblait pas vouloir en démordre… les balistes tiraient… mais au grand étonnement du faux-primarque, leur cible n’était pas le dragon mais un… vaisseau ? Lorsque des projectiles frappèrent l’objet volant non identifié, Angeal en fut rassuré.
« Le Dragon n’est donc pas seul ?! »Au pied de la Citadelle, en contrebas des menaces, Angeal avait un besoin impérieux de situer les choses, les gens et les évènements dans tout ce chaos. Si on parle de l’évacuation des civils, deux options sont possibles : la poterne ou le pont, chacun avec des avantages et inconvénients. La poterne était une issue de secours plutôt étroites au vu du nombre de réfugiés et clairement, on aurait un attroupement. Par le pont, ça serait plus rapide et plus fluide mais les réfugiés seront bien plus exposés. Continuant d’avancer, ses yeux rivés sur la mort que promettait le ciel, le paladin paru pourtant en pleine maitrise de ses capacités et confiants… ça ne trompait personne mais peut-être cela en rassurait certains. La Citadelle s’écroulait, déjà des tourelles étaient tombés, des bâtisses entières ravagés et des morts en pagailles jonchaient les rues, tout ça ne faisait que commencer. Hormis l’évacuation de la ville, on pourrait potentiellement se retrancher dans les archives… elles sont profondément enfouis et la créature ne nous trouvera probablement pas là-bas. Par contre, ça revient à révéler ou détruire la mémoire du groupe… et en soit, ces archives représentent le but même du Sanctum.
« Primarque ! Nous avons commencé l’évacuation à la poterne… » Lança un templier, ou paladin, ou n’importe qui était prêt à aider… Angeal situa la personne mais ne s’arrêta pas, avançant plus au hasard qu’autre chose.
« Continuez ainsi ! Que se passe-t-il du côté du pont ? »« Nous y subissons une attaque au sol… et des ennemis sont dans la ville… ils ont passés la herse il y a peu ! »Angeal faillit déployer son aile mais se retint au dernier moment, soudainement conscient que ça lui exploserait littéralement les côtes, trop fragiles pour ne pas céder lorsque son aile se fraiera un passage au travers. Ayant marqué un bref temps d’arrêt, le soldat aussi, Angeal repartit de plus belle avec cette fois-ci, une direction précise.
« Concernant les airs ?! »« Sir Valeri tâche d’occuper le dragon… et le commandant Faithen tâche de couvrir les balistes en s’occupant de vaisseau, j'en viens. »… Lulu.
« Vous devez absolument retrouver Lulu… ne lui donnez aucun ordre même de ma part, suppliez-la seulement d’utiliser Mnerva contre le dragon ! C’est notre seul espoir immédiat de victoire… en cas de refus, protégez-la à n’importe quel prix. »« Attention ! »Sans qu’on ne sache véritablement pourquoi ni comment, des débris de pierres et de braises volèrent sur l’itinéraire des deux soldats. Le moins gradé et pourtant le plus réactif, commença à tirer Angeal… n’en ayant pas la force, cela permit néanmoins au paladin de réagir, tirant avec lui ce qu’il reconnut être un templier, échappant de peu à la mort subite. Mauvaise nouvelle, Lulu avait toujours eu une très mauvaise opinion des templiers… l’avis qu’elle avait des paladins ne devait pas être rayonnant non plus… mais elle leur accordait déjà plus de crédit. Le paladin n’en revenait pas… lui qui s’était pourtant promis de laisser l’institutrice tranquille… en était juste incapable et le Sanctum avec lui. De même, il pensa à tous les prêtres menacés… et à Cassandra, ayant donné de sa personne comme nul autre durant les représailles nocturnes. D’un coup d’œil, Angeal identifia le château dont il n’était pas si éloigné que ça, bien que dans la ville... et à partir de ça, localisa l’entrée de la Citadelle.
« Templier, vous avez vos ordres et transmettez ceux-là à tous sur votre passage : on évacue civils et prêtres par la poterne ; on me rejoint face aux guerriers au sol ; on rejoint Sir Valeri pour temporiser le dragon ; on porte assistance aux balistes ! Qu’ils le transmettent aussi. »Angeal ne doutait pas instant de la difficulté à ordonner tout ce petit monde… et de la pression que devait ressentir ce jeune templier, soudain écrasé par la responsabilité. Le paladin ne s’en émeut pas, rien de sa part ne serait pire que… cette attaque. La victoire se mesurerait au nombre de survivant et si les trois fronts -sol, balistes et dragon- étaient suffisamment bien tenu… on pourrait espérer sauver les meubles. Quand à Lulu et la chouette de Barthandelus, les souvenirs d’Angeal a ce sujet était trop flou pour compter dessus… quant à la sorcière, il ne l’imaginait pas un instant prendre part au combat d’une quelconque façon.
Ayant eu l’impression de perdre un temps monstre à transmettre ses ordres, alors même qu’il s’était remis à courir sans s’en rendre compte, Angeal n’eut pas un regard et n’entendit même pas « Oui Chef ! » au moment de repartir. Pour un peu, deux mètres plus loin, le templier se ferait balayé et ses ordres avec.
Au fur et à mesure qu’il approchait du pont, Angeal s’approchait des combats… jusqu’ici, on se battait contre un vaisseau et un dragon comme on se défend d’une catastrophe naturelle. Le front aérien est perdu d’avance si on n’est pas libre au sol… petit à petit, le cliquetis des armures comme les bruits de fracas et de rages se resserraient sur lui comme un étau. Ça aurait pu être réconfortant mais l’on entendait encore l’agonie des civils pris au piège par les groupes. Enfin, Angeal aperçu ses hommes aux prises avec un sombre guerrier puant la mort et les ténèbres… qui se faisait un jeu des templiers présents. La priorité des paladins fut le clergé, puis les civils… mais le rôle de chair à canon, aussi horrible que nécessaire, est tenu par les templiers.
« Angeal, prenez garde, une furie furieuse rôde dans les ruelles ! » A vrai dire… il n’y avait rien d’autre à faire… Angeal posa genou à terre, les mains jointes. Ignorant le soldat qui venait de l’informer et qui en cet instant, le protégeait au péril de sa vie.
« Etro… » Le soldat qui venait de lui parler n’a pas dû comprendre mais partit rejoindre les hommes aux prises avec Death. Alors même que c’était un massacre, que ses troupes même en surnombres ne faisaient pas le poids, Angeal sembla l’ignorer, priant yeux fermés.
« …rendez-moi sourd à la catastrophe, que mon esprit soit clair et rivé sur ces braves, qui se sacrifient en votre nom… » Sa prière était à lui-même, pour lui-même… et dans un élan d’altruisme profond, Angeal s’oublia pour ne plus penser qu’aux templiers combattant Death. Ceux-ci, dès lors, n’auraient pu la moindre blessure, le moindre dégât... mais se concentrant sur ses hommes, il se concentra aussi sur celui qui les mutilait jusqu’à ce que mort s’ensuive.
« … et que cet être comprenne ce qu’il inflige. » Ouvrant les yeux, Angeal avait établi un lien de douleur avec les templiers, prenant sur lui toutes ses blessures… et un autre avec Death, lui renvoyant un quart de toutes ses blessures. Concentré comme jamais il n’aurait pensé pouvoir l’être, une seule attaque, une seule phrase, un moindre rien briserait sa concentration.
Le pauvre soldat qui restait aux côtés d’Angeal était bien décidé à le protéger… mais n’est qu’une bien maigre protection. N’y pensant plus, concentré sur ses liens de douleurs, immobile et stoïque, le paladin oublia complètement qu’on lui a précisé « des ennemis ». Angeal ne risquait pas de tenir longtemps et à prévenir ses hommes du lien, informerait l'ennemi tout en se déconcentrant.
La paladin-en-chef se faisait alors égal à une statue, se mettant en danger plus que de raisons.
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Fiche de compétence